Insee Analyses Corse · Avril 2021 · n° 33

Le rural en Corse : l’essentiel du territoire mais un habitant sur deux

L’agenda rural a pour objectif de revitaliser les territoires les plus enclavés, de les rendre plus attractifs, d’assurer l’équilibre entre les territoires ruraux et urbains et de simplifier et unifier les dispositifs de contractualisation existants. Dès lors, la mission pour l’agenda rural, concomitamment au CNIS, a chargé l’Insee de proposer une définition du rural, les différents zonages urbains ayant par ailleurs été refondus en 2020. Cette nouvelle définition (encadré 1) croisant critères morphologiques et fonctionnels spécifie un continuum entre rural et urbain et permet de mieux comprendre les caractéristiques des différents espaces.

La Corse est la région française où la part des communes rurales est la plus importante. En effet, parmi les 360 communes de Corse, 348 sont dites rurales, soit 96,7 % contre seulement 88,0 % au niveau national (figure 1). L’île se place ainsi au premier rang des régions rurales devant la Bourgogne-Franche-Comté.

En particulier, un tiers des communes corses font partie du rural autonome très peu dense, soit la plus forte part nationale avec l’Occitanie.

En revanche, la part de communes dans le rural autonome peu dense est relativement faible : 17,8 % contre 23,2 % en moyenne nationale. On y retrouve des petites villes comme L’île-Rousse ou Bonifacio, véritables centres d’activité et de services, notamment en saison estivale.

Enfin, l’espace rural sous l’influence d’un pôle regroupe près de la moitié des communes corses (45,3 %).

Par ailleurs, ces pôles sont peu nombreux et de taille mesurée : la région est la seule à ne pas avoir de zones urbaines de forte densité et se distingue par sa très faible proportion de communes de densité intermédiaire (3,3 %).

Malgré l’étendue géographique des communes rurales, celles-ci concentrent la moitié de la population régionale (46,9 %). C’est plus qu’en moyenne France entière (32,8 %) mais loin derrière les premières régions métropolitaines (figure 2). En effet, en Bourgogne-Franche-Comté, en Bretagne ou en Nouvelle-Aquitaine plus de la moitié des habitants sont installés dans ces communes rurales.

En particulier, plus d’un quart de la population insulaire vit dans le rural hors influence des pôles, contre un huitième au niveau national. Ainsi, 5,4 % des habitants vivent dans le rural autonome très peu dense, soit le double de la moyenne nationale et le 2ᵉ rang des régions après la Bourgogne-Franche-Comté. De même, 20,5 % de la population résident dans des territoires autonomes peu denses, soit 9 points de plus qu’en moyenne française et la 2ᵉ position après la Bretagne.

En revanche, la part de population vivant dans le rural sous l’influence d’un pôle est plus proche de la moyenne nationale (21 % contre 19,1 %), notamment dans les espaces sous forte influence d’un pôle (12,9 % contre 10,2 % en France) qui offrent une proximité immédiate des services de la vie courante (moins de 7 minutes).

Dans les territoires ruraux autonomes, où l’éloignement des pôles se conjugue avec les reliefs montagneux de l’île, les déplacements pour accéder aux services de la vie courante sont plus longs : 82,3 % de la population se situent à plus de 7 minutes de ces services. Cette difficulté d’accès concerne même la totalité de la population vivant dans le rural autonome très peu dense dans lequel 4,1 % des résidents ont un temps de trajet supérieur à 30 minutes.

Dans les zones rurales autonomes très peu denses, éloignées des services, un tiers de la population a plus de 65 ans et seulement un sixième a moins de 25 ans (figure 3).

La part des personnes vivant seules y est de ce fait supérieure à la moyenne régionale, avec un ménage sur cinq. À l’inverse, les couples avec enfants y sont nettement sous-représentés. Ces caractéristiques propres au rural sont davantage marquées en Corse que dans les autres régions.

En outre, dans ces communes, la part de personnes en activité est plus faible (63,1 % contre 64,2 % en moyenne régionale). Parmi les actifs, les agriculteurs sont nettement surreprésentés (9,5 %), ainsi que les commerçants, exploitants et chefs d’entreprises (15,9 %) (figure 4). Ainsi, l’activité économique est marquée par l’agriculture (22,5 %) et l’industrie manufacturière (14,8 %), notamment l’agroalimentaire.

Dans les espaces ruraux à proximité des pôles, s’installent les actifs qui viennent chercher la proximité des services et le cadre de vie ; c’est la péri-urbanisation. Ainsi le taux d’activité est supérieur dans ces territoires (69,8 % contre 64,2 % au niveau régional) et les emplois de niveau « cadres » et « professions intermédiaires » y sont surreprésentés (4 actifs sur 10). Les personnes de 40 à 65 ans et les couples avec enfants s’y installent de manière privilégiée pour bénéficier de l’accès aux infrastructures scolaires et périscolaires, et à une offre de logements plus grands et moins coûteux qu’en ville.

Entre le rural autonome très peu dense et le rural sous forte influence d’un pôle, deux espaces intermédiaires, le rural autonome peu dense et le rural sous faible influence d’un pôle présentent des caractéristiques assez similaires.

En particulier, en termes d’accès aux services : les trois quarts de la population met plus de 7 minutes pour bénéficier des services de la vie courante. Toutefois, la présence de petits pôles dans le rural autonome peu dense tels que Ghisonaccia, Propriano, Prunelli-di-Fiumorbo et Sartène facilite l’accès aux équipements : 7,8 % de la population ont un temps de trajet inférieur à 4 minutes.

Ces territoires accueillent une population plus âgée que celle présente dans l’espace rural sous forte influence d’un pôle et moins d’actifs en emploi que dans les autres types d’espaces ruraux (62 %). Les ouvriers et les artisans-commerçants-chefs d’entreprise y sont surreprésentés. Enfin, ces espaces ruraux intermédiaires se caractérisent par une forte présence de couples sans enfants (un quart des ménages) et de personnes seules (un ménage sur sept).

Entre 2008 et 2018, la population insulaire a augmenté de 11,7 % soit un taux de variation annuel moyen de 1,1 %, le plus élevé des régions métropolitaines. La population croît dans tous les types d’espaces régionaux, mais au total, l’espace rural croît plus vite que l’urbain (1,2 % contre 1,0 %) et le rural sous influence d’un pôle plus rapidement que le rural autonome (1,5 % contre 1 %) (figure 5).

Les différences d’évolution de la population entre les différents types d’espace tiennent notamment à l’importance relative de leur solde migratoire et naturel.

Le rural sous forte influence d’un pôle est celui où la population se développe le plus vite (+ 1,9 % de taux de variation annuel moyen). Le solde migratoire y est important et explique intégralement cette croissance décennale. En plus des migrations externes à la région qui bénéficient à tous les types d’espaces, il gagne des habitants au jeu des déménagements internes. Ainsi, 8 % des urbains qui déménagent sur l’île entre 2016 et 2017 le font vers ces espaces péri-urbains (figure 6).

Le rural autonome peu dense connaît également une forte croissance (+ 1,2 %) grâce lui aussi à un solde migratoire excédentaire important. Ces communes bénéficient notamment de flux provenant à l’interne du rural autonome très peu dense (31 % des habitants qui quittent le très peu dense entre 2016 et 2017 s’y installent). Et contrairement aux autres catégories du rural, leur solde naturel est seulement nul (et non négatif).

En effet, le rural autonome très peu dense est la catégorie d’espace où la population croît le moins (+ 0,1 %). Avec une population vieillissante, ces communes ont un solde naturel négatif qui anéantit une partie des gains liés aux migrations résidentielles (− 0,7 % contre + 0,8 %). C’est de plus, le seul type de territoire qui, au jeu des déménagements internes à l’île, voit majoritairement sa population s’installer dans d’autres catégories et celui qui attire le moins sur un an.

Ainsi, globalement, l’équilibre entre espace rural et urbain évolue peu ces dix dernières années. Seuls les espaces sous forte influence d’un pôle gagnent progressivement du terrain (+ 0,9 points de population en dix ans) au détriment de l’espace rural autonome très peu dense et de l’urbain qui voient leur part de résidents diminuer (- 0,5 points chacun).